En 1949, aux États-Unis, paraît un livre de John Hawkes : The Cannibal. C 'est son premier roman. John Hawkes a vingt-quatre ans.
Il a situé son action dans une ville allemande qui paraît flotter dans un pays imaginaire où les mythes ont des allures de cauchemar et où les forces d'occupation ne sont représentées que par un unique motocycliste américain qui parcourt inlassablement la région. Nous sommes en 1945, mais il est fait référence, dans un long retour en arrière, à l'année 1914 et, plus brièvement, au siège de Paris en 1870. C'est dire que la mort, le saccage et l'autodestruction travaillent sourdement les personnages de cette ville pourrie et cannibale, livrée à tous les chaos de l'esprit.
Dans une brillante succession d'instantanés soumis à une lumière crue, ou de plans cinématographiques courts où la vision est comme hypertrophiée (on a beaucoup parlé de surréalisme à propos du Cannibale ), on suit la vie de Stella, ancienne chanteuse de boîte de nuit devenue propriétaire d'une pension de famille; de Jutta aussi, sa soeur, maîtresse de Zizendorf, un fou qui se croit le fils du Kayser. Porté au pouvoir par un complot de «patriotes», après avoir assassiné le motocycliste, Zizendort restaurera l'indépendance allemande, réaffirmée par une proclamation illisible.
La parabole est claire : folie, symboles et onirisme mènent l'Histoire, dont Hawkes dira plus tard qu'elle constitue « notre toile d’araignée transparente comme du verre ».