Jeanne Lobre, la grand-mère d’Annie Miller, n’était ni gentille ni douce. Elle n’aimait pas les « fricassées de museaux ». Mais quel caractère ! Quelle vitalité ! Quelle liberté ! Aucun respect pour les conventions. Toute sa vie, elle n’en a fait qu’à sa tête, traversant les épreuves sans une plainte.
Née dans le Nord en 1900, à onze ans, elle chante dans les cafés pour rapporter du pain à la maison, à quatorze ans, elle devient la maîtresse d’un des soldats allemands qui occupaient son village. Après la guerre, en 1920, elle se met en ménage avec un trompettiste de jazz noir américain. Elle aura deux enfants de lui.
La dernière partie de sa vie paraît plus rangée. Mais il ne faut pas s’y fier. Jeanne se plaît dans le désordre. Elle a besoin d’affrontements. Avec son parler populaire du Nord elle dit ce qu’elle pense, sans précaution.
Les Miller habitent l’immeuble mitoyen de son pavillon, à Montreuil-sous-Bois. Claude épousera Annie. Il fera jouer Jeanne dans ses films et la présentera à François Truffaut et à Robert Bresson. Devenir actrice à quatre-vingt ans n’impressionne pas Jeanne plus que le reste.
Portrait sur le vif d’une femme plus extraordinaire qu’un personnage de roman. Le livre d’Annie Miller, illustré par des photographies, fait aussi revivre un monde où Français et immigrés, prolétaires et artistes se mélangent : une vie à la saveur forte, inoubliable.
Annie Miller est productrice et réalisatrice de cinéma.