Faut-il faire de la France un pays de propriétaires et liquider le parc HLM de l’après-guerre ? C’est en tout cas le tournant pris par les politiques publiques depuis les années 1970. Être propriétaire de son pavillon, profiter des attraits de la ville à la campagne, réinventer la sociabilité de voisinage et la mixité sociale, tel est le projet qu’ont vocation à incarner les nouveaux lotissements et que favorisent les aides à la propriété.
Mobilisant données statistiques, enquête de terrain et témoignages de familles, ce livre montre qu’en nourrissant un vaste mouvement de périurbanisation des classes populaires, la diffusion de la propriété transforme en profondeur leurs conditions d’existence : déstabilisation de l’économie domestique par le poids de l’endettement, éloignement des bassins d’emploi et des réseaux d’entraide, repli des femmes sur la sphère domestique, « mixité » sociale conflictuelle… Entre la maison individuelle rêvée et le petit pavillon standardisé que ces « primo-accédants » ont pu se payer, loin des équipements collectifs, ce nouveau monde de « HLM à plat » apparaît source de nouvelles exclusions dont Anne Lambert souligne l’importance politique pour les années à venir.
Anne Lambert, sociologue, est chercheuse à l’Institut national d’études démographiques (INED) et chercheuse associée au Centre Maurice-Halbwachs (ENS/EHESS/CNRS).