1950. Borjomi, Géorgie.
Pour quelques jours, Staline se retire au pays natal dans le palais décadent de feu le grand duc Mikhailovich. À la demande de la Vodieva, qui prétend l’avoir toujours aimé et ne lui avoir jamais menti, il y reçoit le jeune peintre prodige du réalisme socialiste, Danilov, concepteur d’un monument d’éternité à la gloire du Petit Père des Peuples.
Dans le bureau ducal, un divan identique à celui de Freud à Londres. Même kilims sur la couche et aux murs. « Que Staline dorme sur le divan du charlatan viennois, j’en connais à qui ça plairait de l’apprendre », dit Iossif Vissarionovitch.
On a beau être dans l’âge de la grande usure des émotions, on a encore le goût du jeu.
Voilà comment les choses vont se passer : pendant que Danilov subira les interrogatoires du redoutable général Vlassik, Staline s’installera sur le divan et la belle Vodieva prendra le fauteuil. Elle pratiquera la prétendue technique d’interprétation des rêves du charlatan tandis que lui se souviendra de ses histoires de nuit. L’enfance, sa mère, les femmes. Et surtout, le plus grand des pères menteurs : Lénine. Mais qui, mieux que Iossif Vissarionovitch Staline, saurait faire d’un mensonge une vérité et d’une vérité le mensonge ?
« Camarade Danilov, dit-il, la vie est devenue meilleure et plus gaie, voilà l’éternité de Staline. »
Danilov tremble devant celui qui sait tout et peut tout. Il tremblerait plus encore s’il savait ce qui l’attend.
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