Longtemps considérés comme privilégiés dans l’entreprise, les cadres subissent désormais le lot commun des salariés soumis aux méthodes de management moderne des grandes organisations. Ils n’échappent plus aux conditions ordinaires qui engendrent la souffrance au travail. Leur mal-être est pourtant singulier, car ils se retrouvent victimes d’un management dont ils ont eux-mêmes été les instruments zélés.
L’auteur analyse ce mal-être spécifique en s’appuyant sur de nombreuses interventions dans des grandes organisations privées et publiques. Il ne se focalise pas sur des souffrances déjà bien documentées, mais plutôt sur le piège systémique qui enferme des organisations trop complexes dans des pratiques absurdes et non viables. Il s’attache aussi aux styles de pensée « rationnels » et « modernes » qui sous-tendent à la fois les valeurs progressistes contemporaines et l’extension mondiale d’une lutte économique incessante.
Ainsi, presque inconsciemment, le cadre est pris dans un système contradictoire auquel il adhère mais dont il subit au quotidien les effets violents, inacceptables ou ubuesques. Tel l’animal piégé dont les mouvements resserrent le lacet qui l’étrangle, le cadre est à la fois victime et responsable de ce système. Pour défaire le piège, au-delà d’une nécessaire remise en cause du fonctionnement des économies modernes, c’est aussi de l’intérieur du système, à partir de collectifs de travail restaurés que les acteurs concernés peuvent penser à nouveau leur émancipation.