Quelle sorte d’enfance Sherlock Holmes a-t-il eue ? Que devient vraiment Blanche Neige après son mariage avec le Prince Charmant ? Que se seraient dit Charles Bovary et M. de Rênal si leurs chemins s’étaient croisés ? Ces questions, il arrive que des écrivains s’essaient à y répondre dans des œuvres qui donnent un supplément d’existence à des personnages – les leurs ou ceux des autres.
C’est à cette pratique, qu’on propose d’appeler transfictionnalité, que cet ouvrage est consacré. S’il s’interroge sur son étendue, s’il en répertorie les formes et les ramifications, c’est, chaque fois, pour examiner les enjeux d’un phénomène qui a quelque chose de proliférant. Un monde fictif est-il borné par le récit qui l’instaure ? Qu’advient-il de l’autorité d’un auteur sur « ses » personnages lorsque des continuateurs s’aventurent dans les interstices de leurs histoires, jettent sur eux un nouvel éclairage ou réinventent leurs destins ? Les récits transfictionnels ne répondent pas à ces questions mais, les faisant surgir, nous enjoignent de reconnaître à quel point l’exercice de la fiction nous confronte à des contradictions inextricables et fertiles.
Richard Saint-Gelais enseigne la littérature du XXe siècle à l’université Laval (Québec). Spécialiste du nouveau roman et de paralittérature, théoricien de la lecture et de la fiction, il est l’auteur de Châteaux de pages, la fiction au risque de sa lecture (Hurtubise HMH, 1994) et de L’Empire du pseudo : modernités de la science-fiction (Nota bene, 1999).