Il est d’usage de dire que nous, modernes Occidentaux, appartenons à un « âge séculier ». Comment est-on passé d’un temps, encore proche, où il était inconcevable de ne pas croire en Dieu, à l’époque actuelle, où la foi n’est plus qu’une option parmi d’autres et va jusqu’à susciter la commisération ?
L’explication la plus courante consiste à affirmer qu’à la faveur des progrès de la connaissance, la vérité aurait triomphé de l’illusion, nous poussant à ne chercher qu’en nous-mêmes notre raison d’être et les conditions de notre épanouissement ici-bas.
En révélant les impensés de ce récit classique de la victoire des Lumières qui fait du « désenchantement du monde » la seule clé de l’énigme, Charles Taylor entreprend une enquête philosophique et historique monumentale qui renoue les liens entre l’humanisme et l’aspiration à la transcendance. Loin d’être une « soustraction » de la religion, la sécularisation est un processus de redéfinition de la croyance qui a vu se multiplier les options spirituelles. Si plus aucune n’est en mesure de s’imposer, les impasses du « matérialisme » et les promesses déçues de la modernité continuent d’éveiller un besoin de sens.
Charles Taylor est professeur émérite de philosophie à l’université McGill (Montréal). Reconnu comme l’un des plus importants théoriciens du multiculturalisme et du communautarisme et auteur de nombreux ouvrages, parmi lesquels Les Sources du moi (Seuil, 1998), il a reçu en 2007 le prix Templeton, qui récompense une contribution décisive à la recherche spirituelle.