A l'orée du XXIe siècle, nos sociétés sont paradoxalement confrontées au même problème que celles de la fin du XIXe : assurer à tout être humain l'accès à l'eau potable. Plus de 1,4 milliard de personnes, à travers le monde, ne disposent pas d’une eau saine. Plus de 15 millions d'êtres humains meurent annuellement pour cette raison. La pénurie tue.
Mais cette pénurie est aggravée par des comportements inquiétants. De « bien commun », l'eau est devenue une marchandise au profit de conglomérats qui veulent rentabiliser leurs investissements colossaux. Les Français ont ici une responsabilité particulière, puisque notre pays abrite les deux premières entreprises mondiales du marché. Un vigoureux mouvement de contestation lutte pour que le droit à l'eau soit reconnu comme un droit fondamental de l'humanité.
En France même, outre la pollution catastrophique provoquée par l'agriculture intensive, les prérogatives exorbitantes d'une industrie surpuissante et le véritable « bain de corruption » que cette dernière a généré depuis plus de trente ans constituent l'un des scandales majeurs de notre époque, au détriment du consommateur et du contribuable.
Les projets de réforme se muent en serpents de mer législatifs.
A l'égal de la sécurité alimentaire et des risques industriels, l'eau constitue aujourd'hui l'un des enjeux majeurs en matière d'environnement, de santé publique et de démocratie. Aucun gouvernement ne pourra sans mentir continuer à faire l'économie d'une politique réaliste et généreuse.
Marc Laimé, journaliste et sociologue, né en 1952, a collaboré à de nombreuses publications spécialisées françaises et étrangères. Il enquête depuis des années les problèmes de l'eau, en France et dans le monde.