« L'amour », disais-je à Harald ce jour déjà lointain où tout a commencé... Mais non, rien ne commence jamais. Cette histoire, par exemple, a autant de sources que le Nil qui filait devant moi, rasoir tranchant tranquillement mon oeil. Le Nil n'a pas de source, pas d'autre début que les nuages de l'équateur, les milliards de gouttes de pluie ruisselant sur le Ruwenzori, les montagnes de la Lune, les hauts plateaux d'Éthiopie, la rosée qui vêt de perles les vertes collines d'Afrique, l'urine des animaux et des hommes, et même leurs larmes entre, disons, les trentième et quarantième degrés de longitude est, et les parallèles cinq sud et quinze nord. La Grande Rivière naît d'une éponge, d'une chevelure indescriptible, d'un non-lieu immense, et chacune de nos minuscules histoires aussi.
« L'amour, disais-je à Harald ce jour où j'allais faire la connaisance du doktor Vollender, est comme la terreur : une puissance énorme dans le voisinage de laquelle on passe toute sa vie, même si on a le malheur de n'avoir jamais été vraiment amoureux, ni terrifié. »