«Sa-saye, vagabond! Comment, diable, es-tu monté de l'état de chien errant à celui de bâtisseur d'empires? Tes premières traces, tu les as laissées dans le Tékrour. Cet État rivalisa avec le Ghana, jusqu'à son occupation par le Mali au XIIIe siècle. Ton peuple de bohémiens connut alors le supplice du bâton et du fer. La délivrance ne viendra qu'au XVIe siècle. Un sauveur émergea de ta nuit. Son nom: Koly Tenguéla. En 1512, il se débarrassa du joug malien et se tailla un immense État. Ce redoutable empire des Dényankôbé, c'est le centre de ta mémoire, le pivot de ton remuant passé. Il durera jusqu'en 1776.
Mais au moment où ce récit commence, tes pouilleux d'ancêtres vivaient à la merci des chefs sédentaires, sous l'effet de leurs propres chicanes. Les chicanes, vous ne connaissez que ça, bande de mauvais coucheurs! Vous vivez de chicanes et d'errances. C'était déjà ainsi, bien avant votre séjour dans le Hoggar, bien avant votre traversée du Fezzan, bien avant votre départ du pays mythique de Héli et Yôyo, au bord du Nil...»
Tierno Monénembo raconte l'épopée des Peuls dans une langue somptueuse et familière. On songe à ces oeuvres comme le Mahahharata où c'est l'esprit d'un peuple qui renaît à travers les légendes, les événements historiques et les destins individuels.
Tierno Monénembo, né en Guinée, a choisi l’exil dès 1969. Il a publié de nombreux romans au Seuil, depuis Les Crapauds-brousse qui l’a révélé en 1979, jusqu’à L’Aîné des orphelins (2000) et, plus récemment, Le Roi de Kahel, Prix Renaudot 2008.