Deux femmes conversent, une mère et sa fille. Elles se donnent, comme on dit, des nouvelles, une manière de laisser la banalité du quotidien parler à leur place et de préserver la complicité et la tendresse du silence. Mais dans le jeu de ces deux voix naissent des histoires, des histoires de naissance justement. «Nous naissons, écrivait Rousseau, pour ainsi dire en deux fois ; l'une pour exister et l'autre pour vivre.» Jean-Jacques oubliait les femmes qui naissent aussi à la vie en donnant l'existence et le prix dont elles paient ce privilège.
Loin des nativités onctueuses et glorieuses de l'imagerie, les récits qui se croisent ici, drôles ou cruels, pathétiques ou tendres, tirent l'essentiel de leur force de la capacité à saisir l'ordinaire de l'événement, la nudité vécue de ce bouleversement. On y trouve, un peu, de ce qui se chante ailleurs, l'attente, l'émerveillement, le partage ; mais également et toujours ce qu'on a coutume de taire, l'angoisse, l'humiliation et cette terrible solitude face à ce qui parfois s'appelle naître et parfois aussi mourir.