Les Treize Pas, fugue brillante sur une base aléatoire, se présente comme un jeu de massacre.
Deux professeurs de physique, occupant des logements mitoyens, Zhang Honqui et Fang Fugui, s’évertuent à enseigner la théorie de la relativité dans un établissement secondaire, le lycée n°8, qui possède également une usine autogérée de conserves de lapin. La femme du premier y est préposée au dépeçage des bêtes encore vivantes, tandis que l’épouse du second est esthéticienne au funérarium local. Héros du travail, Fang Fugui, meurt de fatigue et ressuscite sous les traits de Zhang Honqui. Il cherche alors à faire fortune dans le trafic de cigarettes. Cet épisode héroïque tourne à la catastrophe générale. Le faux mort devient fou en assistant à ses obsèques. Sa femme est promue et se suicide. Un tigre du zoo est empoisonné et dépecé.
Prenant pour paramètres la misère des intellectuels et la libido inassouvie de leurs épouses, le récit se démultiplie dans une savante mise en abîme des différentes fonctions du récit, les personnages assurant tour à tour le rôle de héros et de narrateur. Roman d’un comique atroce, Les Treize Pas démontre comment le parti a vidé la vraie vie de sa substance, il expose la douloureuse reconversion des masses populaires au capitalisme sauvage et à la course aux diplômes.
Mo Yan
Mo Yan, né dans le Shangdong en 1955, a reçu le prix Nobel de littérature en 2012. Une douzaine de ses romans et nouvelles sont traduits en français et publiés au Seuil dont Beaux seins, belles fesses (2004), Le Maître a de plus en plus d’humour (2005), Le Supplice du santal (2006), Quarante et un coups de canon (2008), La Dure Loi du karma (2009), Grenouilles (2011) et Le Veau suivi de Le Coureur de fond (2012).