Mémoires de Melle, Un jeune homme au cœur d'âne. Enfant, il fut voleur ; adolescent, il aime comme on respire, s'efforçant d'entrer par effraction dans le sentiment des femmes, dans la chambrée obscure de leur sexe. Devant elles, il perd souvent le nord. Justement le voilà à Niort au terme de ce livre, enfin à côté, à Melle, plaisante bourgade des Deux-Sèvres. Mais Melle, prononcé à l'arabe, «Melh», signifie sel. Notre héros qui arrive du Maroc comme on tombe de la lune n'est pas dépaysé. Mémoires de Melle, mémoire du sel, de cette blancheur qui active, réjouit le sang, toute une somme d'événements cuisants, le sel d'aventures passées, égrené, compulsé à Melle. Samuel Canoby en brûle, se rappelle : il revit, de quatorze à dix-neuf ans, ses cinq années d'âne à Casablanca, dans les années cinquante. Le Maroc retrouvait son indépendance, un jeune homme s'efforçait de gagner la sienne. Les Mille et Une Nuits de ses désirs, de ses frayeurs, de son émoi grandissant devant l'Atlantique, ce grand intempérant qui donne l'accolade aux plages. Samuel se revoit dans le hasard des rues, des places, des carrefours. Que cherche-t-il dans les cages d'escalier ? Il en rougit, coup de soleil, coup de chagrin. Il forcit, aucun vêtement ne résiste à sa croissance. «Qu'est-ce que tu uses !» déplore sa mère, une enfant d'à peine trente ans. Toutes ces heures au pain et à l'eau, les démêlés de Charlotte Canoby, de son fils Samuel avec la misère qui les matraque, et autour d'eux la meute des amants voltigeurs, toute cette mêlée confuse criblée d'oublis (les haillons du souvenir) et cette foule étrangère qui dans une autre langue muettement les regarde. Un jour au Maroc, une jeune femme et son ânon pas très vieux...