Venue du droit, la notion d’immunité occupe une place centrale en médecine. Tout comme le système immunitaire du corps humain protège l’organisme contre les incursions mortelles de virus, la loi garantit la survie de la communauté dans une situation la mettant en péril. Le droit protège et prolonge la vie. Mais comme le corps individuel, le corps collectif ne peut être immunisé contre le danger qu’en permettant à une certaine quantité de ce qui le menace d’y pénétrer. Pour échapper aux griffes de la mort, la vie est obligée d’incorporer en elle un principe mortel et de créer des anticorps. Le commun ne peut être préservé que s’il intègre en son sein un corps étranger, qui l’expose à un risque permanent.
Dans ce livre, qui mêle les lexiques juridique et politique à ceux de la théologie, de l’anthropologie et de la biologie, Roberto Esposito propose une analyse de la biopolitique contemporaine d’une extrême actualité. Aujourd’hui, les processus d’immunisation comme la demande de vaccination – mêlée de crainte – caractérisent tous les aspects de notre existence. Plus les individus et les sociétés se sentent sur le point d’être infectés par des corps étrangers, plus ils se renferment ou sont confinés dans leurs limites protectrices, qu’il s’agisse des murs de nos appartements ou des frontières de nos États. À une issue immunitaire et finalement destructrice, peut-on imaginer une alternative fondée sur une nouvelle conception de la communauté ?
Roberto Esposito est un philosophe contemporain déjà classique en Italie. De l’ensemble de son oeuvre, Communitas (PUF, 2000), Catégories de l’impolitique (Seuil, 2005) et le recueil d’articles Communauté, immunité, biopolitique (Amsterdam, 2010) ont été traduits en français.