En ouverture de son livre, Emmanuel Terray nous fait une confidence : « La croyance chrétienne assigne à chacun de nous un ange gardien qui, tout au long de notre vie, nous prodigue assistance et conseil ; pour l’incroyant que je suis, quelques écrivains ont été comme autant d’anges gardiens ».
Ces Anges gardiens, on pourrait les considérer comme des garde-fous. À la seule condition d’entendre par cette expression, à l’envers du sens commun, la protection de ce qu’il y a en nous de folie, cette folie qui permet d’imaginer, de s’insurger, de rêver et d’agir.
Emmanuel Terray a choisi de nous montrer comment se fabrique une vie façonnée par des lectures.
Son point de départ : l’insurrection.
Insoumis, Terray est toujours un insurgé. C’est aussi ce qui anime chaque page de son livre : un message tonique, voire d’un pessimisme tonique, en ce début de xxie siècle où tant de discours se complaisent dans la « réaction » plutôt que dans « l’action ».
Arrivée à ce point, dans ma propre existence, je m’interroge : s’il n’y a pas cet enthousiasme de la jeunesse, de la vie, à quoi bon vivre ? Ce que montre, à sa manière, le livre de Terray, c’est que la vérité de la vie n’est pas dans un quotidien monstrueux et désespérant. C’est dans la solidarité, la fraternité, l’action, et l’enthousiasme qu’on peut arriver à quelque chose. Même si, en fin de compte, on n’obtient pas tout ce à quoi on pourrait aspirer.
Françoise Héritier