En 1972, le président Georges Pompidou gracie Paul Touvier et dit à cette occasion : « Le moment n'est-il pas venu d'oublier ces temps où les Français ne s'aimaient pas ? » La décision du souverain mise sur une chose impossible : que le pays efface d'un seul coup une période complexe et douloureuse de son histoire, Occupation, déportation et Résistance incluses.
L'auteur analyse les paradoxes de l’amnistie confondue avec l’amnésie. Il en rappelle les formes équivalentes au cours des siècles : la révocation de l'édit de Nantes déclarant « nulles et non avenues » les lois en vigueur, Louis XVIII revenant au pouvoir avec pour mot d'ordre « union et oubli », le ministre de la guerre pendant l'affaire Dreyfus ordonnant à l'armée d'oublier ce qui vient de se passer : le souverain des temps troublés pense pouvoir chasser le trouble en décrétant l'oubli, ce faisant il donne à l’oubli une valeur spécifique. En voulant retrancher une part de l'histoire nationale pour restaurer l'unité perdue, il laisse voir involontairement l’opération stupéfiante et occultée – qu’il a effectuée à son propre insu peut-être.
Jean-Michel Rey installe les analyses des penseurs de l’oubli – que sont notamment Michelet et Péguy, Freud et Faulkner – au cœur de nos modernes temps troublés.