Traduit du russe par Bernard Kreise
« Olia, puis-je vous demander un service ? Et seulement à vous.
– Ça dépend duquel.
Bourmistrov agrippa la table, comme s’il s’apprêtait à l’arracher du sol.
– Pouvez-vous manger pour moi ? Ici. Maintenant.
– Comment ça, pour vous ?
– Je veux dire, en sorte que je puisse vous regarder. Simplement vous regarder. »
Ensuite, Bourmistrov propose à Olia de réitérer ce rituel – la regarder manger – chaque premier lundi du mois, contre une forte rétribution. Leurs rencontres ont lieu dans un appartement ordinaire, typiquement soviétique, puis dans un appartement luxueux. La nourriture se modifie, devient de plus en plus moulinée, indiscernable. Jusqu’au jour où le moindre aliment évoque à Olia une masse morte et effrayante, tandis que Bourmistrov s’entoure d’acolytes de plus en plus violents.
Vladimir Sorokine met magnifiquement en scène cette confrontation cruelle et perverse.