LA COULEUR DES IDÉES
La question de la différence entre l'homme et l'animal se brouille radicalement à la lumière des recherches les plus récentes. Qui tente de penser la nouvelle situation rencontre des questions difficiles. Iconoclastes il y a encore peu, elles prennent aujourd'hui une actualité nouvelle : l'animal est-il un sujet ? un individu ? une personne ? Contrairement à ce que croient les positivistes les plus austères et les militants du droit de l'animal les plus convaincus, la réponse ne va pas de soi. Après avoir considéré les animaux comme des sortes d'automates plus ou moins aveugles, nous découvrons que quelques-uns d'entre eux, au moins, doivent être compris à l'interface d'une histoire naturelle, d'une histoire culturelle et d'une biographie. C'est l'animal singulier. Quelques-unes de ses figures ne sont d'ailleurs pas « sauvages ». Elles naissent au cours d'agencements multiples avec l'humain, au sein de communautés hybrides de partage d'intérêts, d'affects et de sens. Certaines sont vraiment étonnantes, comme celles qu'ont constituées des chercheurs avec des « singes parlants » : nous n'avons qu'à peine commencé à comprendre leur portée - qui excède très largement la visée scientifique initiale. Et si l'homme était devenu humain à travers ses agencements avec l'animal ? Il faudrait alors s'intéresser de plus près aux transformations que suscitent aujourd'hui ces étranges machines animalisées dont nous nous entourons de plus en plus. Peut-être l'humain est-il de nouveau à un moment charnière de ces « débordements » à travers lesquels il s'est toujours constitué une identité spécifique.