Le Pouvoir, émergent ou constitué, peut détruire l'Art lorsqu'il s'écarte de l'idéologie dominante. Les exemples ne manquent pas depuis les livres jetés au bucher dans l'Allemagne nazie, aux Bouddhas fracassés en Afghanistan, à Palmyre saccagée... La destruction fanatique porte en elle la rage amère et envieuse qui décrète comme diabolique ce qu'elle ne peut dominer mais, même brisée, l'oeuvre d'art demeure et renaît de ses éclats.
Ces destructions, s'argumentant entre autres de la condamnation des joies impures, montrent cependant que l'art et la culture peuvent être jugés suffisamment dangereux et insupportables pour qu'il faille les détruire.
Au-delà de la question de la violence destructrice de l'oeuvre d'art qui constitue l'acmé d'une crise, on s'est aussi interrogé en amont dans ce numéro de Topique sur les relations entre l'Art et le Pouvoir.
Si l'art a en soi un pouvoir par l'émotion qu'engendre le Beau, il est tentant pour le Pouvoir en place de l'utiliser au profit de l'idéologie qu'il promeut. C'est pourquoi le même Pouvoir qui peut détruire certaines oeuvres d'art ou empêcher leur production peut aussi enrégimenter l'art à son profit, l'inciter à exprimer un idéal précis comme par exemple la sculpture et l'architecture, parfois la peinture, chargées de démontrer la puissance du peuple et celle de l'État. En démocratie, c'est le mécénat qui va imposer des choix artistiques par le soutien apporté à tel artiste plutôt qu'à tel autre.
Mais à l'inverse l'art peut aussi être "engagé" dans la lutte contre le pouvoir et rencontrer le politique par le biais des convictions personnelles de l'artiste qui vient ainsi apporter la force intrinsèque de son oeuvre en soutenant des idées, un combat. Les chants patriotiques, les poèmes de la Résistance, vont mettre l'émotion esthétique au service d'un choix politique. Cette place complexe et parfois ambiguë de l'Art à l'égard du Pouvoir nous incite donc à réinterroger sur d'autres bases la question freudienne de la place salvatrice de la culture.