« Comme le tisserand […], l'écrivain travaille à l'envers : il n'a affaire qu'au langage et c'est ainsi que soudain il se trouve environné de sens ». Ce que Merleau-Ponty nous apprend ici de l'écrivain éclaire bien la difficulté de le lire. Son œuvre s'élabore en une « parole parlante » qui déconcerte son lecteur en déplaçant les écarts réglés de signification déposés dans l'univers de la culture ou dans la « parole parlée » et en l'invitant à une initiation qui est indivisiblement de langue et de pensée. Cette parole neuve, dit-on parfois, substitue l'éclat de la métaphore à la rigueur austère du concept. Un tel jugement reste dans l'extériorité. Pour qui accepte d'entrer dans le champ d'expérience qu'elle nous propose, cette parole dessine avec sûreté les essences que trace le recoupement de l'expérience par elle-même et elle répond à toutes les exigences de la rationalité philosophique. Ce vocabulaire s'est proposé de faire voir quelques fils de la trame, afin que le lecteur de Merleau-Ponty, par la merveille du tisserand, soit, à son tour, environné de sens.