Nourrie des textes de la tradition philosophique, la pensée de Hannah Arendt vise à tirer les leçons des phénomènes totalitaires pour restaurer une conception de la politique propre à assurer l’existence et la permanence d’un monde à partager et à aimer. Dans ce monde, chaque homme, simplement parce qu’il est homme, serait considéré comme étant porteur d’une valeur inconditionnelle, lui garantissant sa place parmi les siens et une égale dignité.
Construire un tel monde implique de rompre avec les travers de la plupart des philosophes, qui depuis Platon se sont révélés résolument hostiles à la politique et à l’action, et se sont réfugiés dans le monde des idées pour se consacrer à la contemplation, laissant ainsi le champ libre aux idéologies mortifères.
La plupart des grands philosophes ont ainsi manqué le sens du politique. Et en cela, ils sont en partie responsables et coupables du chaos qui a conduit à l’avènement du nazisme. C’est cette incapacité des philosophes à penser la politique qui poussa Hannah Arendt à refuser avec constance ce qualificatif au profit de celui de théoricienne politique.
Le désir insatiable de comprendre les phénomènes, dont elle fut actrice ou spectatrice, amena Hannah Arendt à s’affranchir des catégories et des usages pour proposer une démarche audacieuse et inclassable. La volonté de construire un monde où aucun homme ne serait plus considéré comme superflu la conduisit à emprunter un long chemin semé d’embûches, que cet ouvrage tente de retracer, révélant ainsi une pensée puissante, humaniste et complexe, qui nous permet d’éclairer sous un jour différent notre présent.