Prix Araxie Torossian 2006 décerné par l’ Académie des Sciences Morales et Politiques
Commencer par une analyse des Ménines, c’est recommencer là où Foucault, lui-même, commença. Pourquoi ? Parce que Les Ménines sont en elles-mêmes un commencement : elles actualisent la puissance essentielle de l’art.
Il s’agit de montrer que le tableau de Velázquez met en œuvre un regard divin, protecteur de l’infante Marguerite dans un moment particulièrement sombre de l’histoire de l’Espagne. Cette actualisation de la peinture comme vision divine permet d’illustrer une première fois la thèse qui sera celle de tout l’ouvrage : l’art est l’activité par laquelle l’homme, au lieu de se fixer en son humanité, la dépasse dans l’immanence même en se dianouménalisant, c’est-à-dire en traversant (dia) les formes culturelles et historiques déjà réalisées de l’esprit (noûs). Cette éprouvante, mais féconde, plasticité de l’esprit ne cesse, selon l’auteur, de s’affirmer au cours du temps : elle est déjà présente, ignorante d’elle-même, dans l’art préhistorique. Elle connaît une actualisation particulièrement éprouvante et tragique avec l’art gréco-romain (la peinture grecque, mais aussi les figures d’Achille, d’Ulysse, d’Œdipe, d’Antigone, font ainsi l’objet d’une approche interprétative nouvelle, très éloignée de l’idée hégélienne de la belle unité). Enfin, avec nous, aujourd’hui, cette plasticité débouche sur une déshominisation de l’existence consciente d’elle-même (l’épianthropisme). .
À la lecture de ce livre, qui hégélianise contre Hegel et maintient l’effort d’une pensée universalisante, on sera peut-être conduit à penser que notre histoire – celle de l’art – fut plus audacieuse qu’on ne le croit, et que notre temps est, quant à lui, moins relativiste et finissant qu’on ne le dit.